BSMART : des écoles notées sur Google !

Dernière mise à jour le 1 juillet 2023 par slecourtier

« Il existe des conseils de la vie lycéenne et de la vie collégienne, et il est beaucoup plus constructif de faire entendre sa voix, que l’on soit élève ou parent, au sein de l’établissement plutôt que de la porter sur Google. »

Jean-Rémi Girard

Président du SNALC

Retour des notations des écoles sur Google. Le service public doit-il céder face au consumérisme ?

Jean-Rémi Girard, président du SNALC, réagit sur B SMART le mercredi 28 juin 2023.

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Avez-vous également vu des commentaires Google sur Jean-Rémi Girard ?

Jean-Rémi Girard

Oui, bien sûr, j’ai déjà regardé ceux de mon établissement. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Certains remontent très loin parfois, mais il y a effectivement une sorte de reprise récente. Ce n’est pas étonnant, cela arrive par vagues. La plupart sont positifs, tant mieux, mais nous sommes dans un système qui n’est globalement pas modéré, pas vérifié. On ne sait pas qui écrit, qu’il s’agisse d’un élève, d’un parent ou de n’importe qui, car il n’y a aucun contrôle.

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On voit à l’écran ce cliché et quelques commentaires. Vous dites que la plupart sont quand même positifs.

Jean-Rémi Girard

C’est assez rare dans ce type de commentaires, car généralement, on commente plutôt quand on n’est pas content, que l’inverse. Mais il peut arriver souvent que d’anciens élèves viennent mettre un petit truc sympa. Mais au final, ce n’est pas normal, car on voit un côté très “société de consommation” et clientélisme.

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On compare un établissement à un restaurant ?

Jean-Rémi Girard

Oui, mais nous sommes quand même dans une institution de la République. Ce n’est pas non plus quelque chose que l’on est supposé pouvoir noter publiquement. Il y a des systèmes internes au sein de l’établissement. Il y a des systèmes d’évaluation, pas forcément formidables par ailleurs, mais dans tous les cas, cela n’apporte clairement rien et n’a strictement aucun intérêt. J’espère bien qu’aucun parent ne va regarder cela en se disant : “Je vais choisir ce lycée plutôt que tel autre.” D’ailleurs, on ne choisit pas forcément son lycée non plus, et c’est probablement avant tout une perte de temps qui augmente les tensions vis-à-vis de l’école et, bien sûr, chez les personnels de l’Éducation nationale.

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Sur l’intérêt de ces commentaires, selon vous, est-ce que les parents et les élèves les lisent ? Est-ce que cela peut réellement avoir un impact ?

Jean-Rémi Girard

Oui, bien sûr, c’est une pratique courante. Non seulement les élèves, mais aussi la plupart des adultes sont présents sur Internet et les réseaux sociaux via leurs téléphones. L’impact peut être significatif. Cependant, il est important de faire la distinction entre les commentaires qui sont simplement des expressions d’humeur et ceux qui peuvent potentiellement être dangereux lorsqu’ils nomment un enseignant. Dans de tels cas, nous conseillons de porter plainte et de demander la protection fonctionnelle.

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Est-ce facile de faire supprimer ces posts ?

Jean-Rémi Girard

Il est très compliqué de faire supprimer ce genre de choses. Nous sommes confrontés à de grandes plateformes comme Google ou Twitter, dont les systèmes de modération sont difficiles à atteindre pour un individu, du moins pas facilement ou sans passer par de nombreuses étapes. Il est donc très difficile de parvenir à faire modifier ces commentaires. Dans le meilleur des cas, on peut y répondre, mais cela ne fait qu’ajouter une couche supplémentaire. Par conséquent, au SNALC, nous avons une proposition très simple : étant donné que l’Éducation nationale a déjà conclu des partenariats avec certains des géants du numérique (GAFAM), nous pensons qu’il ne serait pas si compliqué de retirer les établissements scolaires de la liste des choses évaluables sur Google. Cela simplifierait un peu les choses.

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Crise de confiance des Français envers l’école, est-ce un facteur de plus ? Est-ce une preuve de plus ? Est-ce une conséquence ? Tout est-il lié ?

Jean-Rémi Girard

Oui, bien sûr, cela est lié à une forme de crise de confiance, non seulement envers l’école, mais aussi envers les institutions en général, y compris la politique. Nous sommes confrontés à une crise, une crise au sein de l’Éducation nationale où nous ne parvenons plus à recruter suffisamment d’enseignants, ce qui est un indicateur objectif d’un problème grave. Lorsqu’un parent d’élève allume sa télévision et découvre un jobdating dans l’Académie de Versailles où l’on explique le recrutement de professeurs en une demi-heure, des professeurs qui n’ont jamais enseigné de leur vie et qui seront placés face à des élèves, cela peut légitimement créer une perte de confiance envers l’école. Il y a un phénomène de consumérisme qui a atteint l’Éducation nationale, où l’on se dit : “Je vais choisir mon établissement, je vais essayer de trouver le meilleur.” Et si cela ne convient pas, je vais me plaindre.

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Je joue l’avocat du diable, ne serait-ce pas une bonne idée de permettre aux élèves, d’une certaine manière, de contribuer en donnant leur avis sur leur emploi du temps, la logistique, etc. en les faisant noter ?

Jean-Rémi Girard

Mais cela existe en interne dans les lycées. Nous avons des représentants des élèves au Conseil d’administration et des représentants des parents également. Donc il y a tout de même des mécanismes démocratiques au sein d’un établissement scolaire. Il existe des conseils de la vie lycéenne et de la vie collégienne, et il est beaucoup plus constructif de faire entendre sa voix, que l’on soit élève ou parent, au sein de l’établissement plutôt que de la porter sur Google. Le dialogue interne est plus intéressant pour les élèves, les enseignants et le personnel de l’Éducation nationale afin de trouver collectivement des solutions face au climat détérioré. Les enseignants et le personnel sont ouverts à toutes les idées constructives. Cependant, les enseignants eux-mêmes se sentent dévalorisés, comme le montre une enquête du ministère, leur moral est au plus bas, et il n’est pas judicieux d’en rajouter en commentant négativement un lycée, comme si tout le monde avait eu la même expérience négative avec tous les professeurs et assistants d’éducation. En fin de compte, cela n’a aucun sens ! Je parle des lycées car je suis en lycée, mais nous recevons également beaucoup de retours des écoles primaires, où il y a beaucoup moins d’adultes, ce qui rend les choses très ciblées. On peut très rapidement identifier le maître ou la maîtresse de CM1, ce qui peut être dangereux pour les collègues.

« Je parle des lycées car je suis en lycée, mais nous recevons également beaucoup de retours des écoles primaires, où il y a beaucoup moins d’adultes, ce qui rend les choses très ciblées. On peut très rapidement identifier le maître ou la maîtresse de CM1, ce qui peut être dangereux pour les collègues. »

Jean-Rémi Girard

Président du SNALC