Réforme des lycées professionnels : où en sommes-nous ?

Dernière mise à jour le 18 février 2023 par slecourtier

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Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1474 du 17 février 2023.

RÉFORME DES LYCÉES PROFESSIONNELS : OÙ EN SOMMES-NOUS ?

Le SNALC, malgré son opposition à la réforme, a souhaité participer aux 4 groupes de travail (GT) lancés le 21 octobre 2022.

Il s’agissait ainsi d’une part de faire remonter le point de vue des PLP, d’autre part de connaître les propositions des entreprises dans le cadre de cette réforme dont le but revendiqué est une meilleure insertion professionnelle post CAP, Bac ou diplôme de l’enseignement supérieur, par l’adaptation des formations aux besoins locaux de main-d’oeuvre.

 Les intitulés des quatre groupes, tous pilotés par des recteurs de région académique, en témoignent : 

  • GT 1 : comment réduire le nombre de décrocheurs ? 
  • GT 2 : comment mieux préparer les poursuites d’études supérieures requises par certains métiers ? 
  • GT 3 : comment améliorer le taux d’accès à l’emploi après le diplôme ? 
  • GT 4 : comment donner des marges de manœuvre aux établissements tout en conservant le caractère national des diplômes ? Malheureusement, le SNALC n’a pu que constater l’absence de propositions des organisations patronales quant à l’amélioration de la qualité des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP). 

Ce dossier spécial Voie Professionnelle est donc l’occasion pour le SNALC de faire un point d’étape au 27 janvier 2023, journée de clôture des travaux des quatre GT. Si l’annonce marquante de cette journée est l’abandon de l’augmentation de 50% des PFMP, les 14 propositions présentées comme récurrentes (voir article) issues des 200 propositions faites par les 4 GT sont pour certaines très inquiétantes, tant pour les conditions de travail des PLP que pour la qualité de la formation offerte à nos lycéens. 

Elles ne constituent cependant pas le seul danger pour les PLP. Si le statut de professeur associé (voir article) vient concurrencer les PLP des disciplines pros, la fermeture des formations dites non insérantes, renvoyée aux régions, sans objectifs chiffrés ni calendaires, plongera chaque année de nombreux PLP toutes disciplines confondues dans l’incertitude. 

C’est pourquoi, le SNALC maintient son opposition à cette réforme et, en sa qualité de syndicat représentatif, défendra le statut des PLP au ministère et la qualité de la formation due à un tiers des lycéens.

PRENDRE EN COMPTE LES APPRENTIS (ET PAS SEULEMENT…) DANS LA DHG : UNE BONNE IDÉE POUR QUI ?

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Poser les conditions de la mixité de publics et de la mixité de parcours » figure parmi les 14 propositions dites récurrentes.

Le Ministère l’accompagne du questionnement suivant : 

  • Quelles définitions de la mixité de parcours? De publics ? 
  • Comment encourager une pédagogie« mixte » ? 
  • Quels changements structurels et transformants de la prise en compte des apprentis dans les EPLE et dans les dotations des établissements ? 
  • Quelles conditions (matérielles, financières, RH…) ? Quelle modularité possible durant les 3 ans ? 

La promotion de la mixité des publics est une histoire ancienne à l’Éducation nationale. Dès 2011, l’académie de Caen, en expliquait la nécessité pour le maintien de sections à faible flux. En 2016, un rapport de l’Inspection générale, évoquait la mixité des parcours et son corollaire, la mixité des publics, au nom de la sécurisation des parcours. En 2018, la transformation de la voie professionnelle imposait l’accueil d’apprentis à tous les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Enfin, en 2023, la réforme du lycée professionnel en fait une pédagogie idéale et veut la graver dans les statuts des PLP. 

Élèves, apprentis et stagiaires de la formation continue sont, à présent, regroupés sous le vocable « apprenants ». Le Ministère n’hésite plus à parler de la formation tout au long de la vie pour évoquer la formation des lycéens pros qui deviendrait modulaire et affranchie de l’année scolaire, comme celle des stagiaires de la formation continue. Cette évolution sémantique met bien en lumière le décloisonnement entre formation initiale et formation continue voulue par la loi Liberté de choisir son avenir professionnel de 2018. 

Dans de nombreuses régions académiques, ce décloisonnement s’est d’ailleurs traduit par le regroupement de l’apprentissage et de la formation continue au sein de GRETA-CFA. Comme il était prévisible, concurrence avec les CFA oblige, la fusion a été aussi l’occasion d’un moins-disant social : les obligations règlementaires de service (ORS) des contractuels enseignants devenus des formateurs ont bondi de 648 à 810 heures et accessoirement, ils ont perdu la pondération de 1,25 pour les BTS, les pondérations n’étant pas prévues en formation continue, comme les titulaires du reste. Enfin, le service est annualisé et se répartit également sur les semaines de vacances scolaires. À ce jour, le développement de l’apprentissage dans les EPLE se fait pour 80% dans le cadre de sections autonomes et pour 20% dans celui de la mixités des publics (données DGESCO du 9 décembre 2022 dans le GT 2). Le choix de la mixité des publics ou de sections autonomes est laissé à l’appréciation des régions académiques. 

Pour les sections autonomes, deux modalités coexistent : 

  • Le cumul d’activités. Les professeurs sont volontaires et forment des apprentis ou des stagiaires de la formation continue, en sus de leur ORS. Ils sont alors rémunérés à l’heure en fonction du niveau de diplôme (voir tableau ci-dessous). 
  • Le recours à un poste tout ou partie gagé pour le compte d’un GRETA ou d’un CFA. Les professeurs accomplissent alors tout ou partie de leur ORS de façon annualisée et sans pondération. 
 

En mixité des publics, qui s’impose aux PLP, le face-à-face pédagogique avec des apprentis, n’est pas rémunéré, malgré le surcroît de travail induit. Un volume horaire rémunéré (voir tableau ci-dessous) équivalent à la différence entre les 35 heures dues par les apprentis et le volume hebdomadaire prévu par le diplôme (Ex Bac Pro = 35-31 soit 4 h) peut éventuellement être accordé si des séances de cours supplémentaires avec les apprentis seuls sont planifiées. Certaines académies accordent encore quelques euros par apprenti. 

Le développement au niveau national de la mixité des publics risque de faire disparaître les sections autonomes d’apprentis ou de stagiaires de la formation continue car évidemment ce n’est pas la juste rémunération des PLP, ni même l’intérêt pédagogique des apprenants qui guide les choix ministériels. 

Ainsi, au regard des coûts contrats de l’apprentissage ou des frais de formation pour les stagiaires en formation continue, nos lycées professionnels vont se transformer en centres de profit particulièrement juteux. Mais à qui va profiter cette manne financière si les PLP, principaux créateurs de la valeur ajoutée en sont écartés ? Il y a fort à parier que les indemnités GRETA et apprentissage des personnels de direction et des DDFPT (anciens chefs de travaux) vont perdurer. Ce qui explique, bien évidemment leur engouement pour la mixité des publics. 

Le SNALC n’est pas par principe opposé à des sections autonomes d’apprentis ou de stagiaires de la formation continue au sein des EPLE. Mais il ne cautionnera pas une exploitation exacerbée des PLP et la dégradation des conditions de formation des jeunes 

LES 14 PROPOSITIONS PRÉSENTÉES PAR LE MINISTÈRE COMME LES PLUS RÉCURRENTES

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Le SNALC a pris le parti de classer ces propositions par ordre décroissant de nuisance pour les PLP et leurs élèves et vous donne son avis. 

 

1.Poser les conditions de la mixité de publics et de la mixité des parcours. 

Cette première proposition reflète à elle seule la volonté, qui ne date pas d’hier, de transformer les lycées professionnels en centre de formation professionnelle (voir article suivant). 

2.S’affranchir de l’année scolaire et permettre un cursus modulaire lors duquel l’élève valide des blocs de compétences. 

3.Adapter le rythme et la durée des PFMP en fonction du parcours et des besoins de l’élève. 

Ces deux propositions font écho à la première puisqu’elles appliquent aux élèves les principes jusqu’à présent réservés aux stagiaires adultes de la formation continue. 

4.Instaurer une année complémentaire facultative post bac pro, dédiée à la préparation de la poursuite d’études ou à la préparation de l’insertion. 

Cela correspond à la préparation d’une mention complémentaire (MC) ou d’une formation complémentaire d’initiative locale (FCIL). Ces deux types de formation offrent une très grande liberté dans le contenu disciplinaire et les temps de PFMP sont supérieurs au temps de formation en établissement. De plus, les jeunes sont enfin majeurs. Le SNALC en comprend bien l’intérêt pour le ministère et les entreprises, mais ne voit pas celui des jeunes. Une poursuite d’études qui ne débouche pas sur une élévation de la qualification et de la rémunération n’a pas de sens. Il ne faut pas confondre formation et temps d’adaptation inhérent à toute embauche. Le SNALC est favorable au retour du bac pro 4 ans et d’un BTS en 3 ans pour tous les élèves qui en auraient besoin. 

5.Accompagner l’orientation dès le début du collège et dans la durée pour parvenir à des choix éclairés d’orientation faits par l’élève et sa famille (logique de parcours dédié à l’orientation dès le collège). 

Que ce soit pour la demi-journée hebdomadaire de découverte des métiers dès la 5e, ou pour la part des modules d’accompagnement personnalisé mobilisée sur les 3 années de Bac Pro, ces dispositifs se font à moyens constants et donc au détriment des contenus disciplinaires. L’arlésienne de l’orientation choisie permet d’occulter les véritables failles du lycée professionnel. 

6.Favoriser les temps de concertation pour installer la nécessaire dimension collective de l’accompagnement des élèves. Installer un temps de travail collaboratif dans le service des enseignants. 

7.Créer des temps réguliers de rencontre, d’échanges et de travail, entre les entreprises et les professeurs / personnels éducatifs. 

Le SNALC est favorable à ces dispositions si leur pendant n’est pas l’annualisation du temps de services et l’alourdissement de la charge de travail, ce dontil doute. 

8.Repenser l’accompagnement personnalisé pour qu’il puisse être effectif et efficace. 

L’accompagnement personnalisé est un dispositif pédagogique fourre-tout dont l’intérêt est de répondre, du moins sur le papier, à toutes les attentes : combler les lacunes, satisfaire les HPI, éduquer à l’orientation… et toujours à moyens constants. 

9.Prévoir dans l’organisation pédagogiques des phases de préparation des PFMP et en améliorer le suivi et la capitalisation. 

C’est déjà le cas. 

10.Créer un parcours d’éducation à la mobilité avec des compétences à valider (dont accès aux droits et aux aides). 

Devant la variété et l’étendue des objectifs : de la prise des transports en commun à la mobilité internationale, en passant par la location d’un logement, le SNALC émet des réserves sur l’atteinte des objectifs. 

11.Développer un tutorat / mentorat fort (impératif pour les élèves dont le parcours et fragilisé). 

C’est déjà en place et ça ne fonctionne qu’à la marge. 

12.Inscrire dans toutes les formations en LP un volet relatif aux compétences psychosociales « soft skills » intégrées dans les apprentissages. 

Le SNALC ne s’opposerait pas à la réinstauration du prix de camaraderie. 

13.Mieux communiquer auprès des familles, des élèves et des entreprises pour revaloriser l’image du lycée professionnel. 

L’image du lycée professionnel ne relève pas de la communication. Impossible de la revaloriser sans qualité de la formation et sincérité de sa certification. 

14.Préparer et former les équipes de direction, professeurs et autres personnels éducatifs à la prise en compte des spécificités du LP. 

Ne le sont-ils pas déjà ? En revanche, pour prendre en compte leurs spécificités, le SNALC serait tout à fait favorable au classement en Éducation Prioritaire de tous les lycées professionnels. 

FOCUS SUR LE STATUT DE « PROFESSEUR ASSOCIÉ » : LES PLP DES DISCIPLINES PROS EN DANGER ?

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Références : décret n° 2007-322 du 8 mars 2007. 

Le 13 septembre 2022, lors du lancement de la réforme du lycée professionnel par le Président au lycée Tabarly des Sables d’Olonne, vous avez été nombreux à découvrir ce statut. Il existe pourtant depuis 1994. Mais à ce jour les professeurs associés ne sont que quelques dizaines en exercice (données DGRH GT n°2 réunion du 9 décembre 2022). 

Enfin le professeur de discipline pro idéal en LP ? 

Tels que présentés par le Président, les professeurs associés seraient des professionnels qui partageraient leur temps entre une entreprise, en qualité de salarié, et un lycée professionnel où ils assureraient l’enseignement professionnel devant des élèves sous statut scolaire. Cette double casquette leur permettrait d’être à la pointe des dernières innovations de leur champ professionnel et de pouvoir ainsi les transmettre aux lycéens. Mieux encore, ils seraient des tuteurs idéaux lors des périodes de formation en milieu professionnel. 

Oui, mais… 

Le statut de professeur associé n’exclut pas un service à temps complet, ce qui remet en perspective leur supposée valeur ajoutée et donc leur intérêt. Les PLP des disciplines professionnelles, titulaires ou contractuels, sont eux aussi des professionnels qualifiés dont la grande majorité, bien souvent, a exercé en entreprise. Ils sont tout à fait aptes à mettre à jour leurs compétences selon les évolutions de leur domaine professionnel. 

Alors quel est l’intérêt ? 

Les articles 3 et 4 du statut livrent la réponse : 

« Les professeurs associés sont recrutés par le recteur d’académie, sur proposition des chefs d’établissement concernés, par contrat d’une durée maximale de trois ans renouvelable dans la limite de six ans. » 

« Les demandeurs d’emploi mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 932-2 du Code de l’éducation ont, à compétence et à profil comparables, priorité pour exercer les fonctions de professeur associé à temps plein. » 

Le premier article satisfait le fantasme managérial de notre institution : les chefs d’établissements vont pouvoir sélectionner les personnels.

Le second tombe à point nommé pour les entreprises interrogées actuellement sur l’emploi des seniors. 

RÉFORME DE LA VOIE PROFESSIONNELLE 2022-2023:

CONSULTATION DES ORGANISATIONS SYNDICALES REPRÉSENTATIVES

Le SNALC publie régulièrement et en toute transparence les comptes rendus des groupes de travail sur la réforme de la voie professionnelle :
https://snalc.fr/reforme-de-la-voie-pro-comptes-rendus-des-groupes-de-travail/

Consultez toute l’actualité de la voie professionnelle :
https://snalc.fr/category/second-degre/lycee-pro/

Formulaire de contact SNALC PLP :
https://oxiforms.com/?MvIDe

SNALC – Estelle Meunier